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Prévention des risques liés à la manutention des patients : sécurité et formation en milieu hospitalier

Une femme qui s'occupe d'une personne âgé

J'ai découvert une réalité frappante lors de mes premières formations en milieu hospitalier : plus des deux tiers des accidents du travail sont liés à la manutention des patients. Une aide-soignante m'a confié un jour qu'elle effectuait en moyenne 11 manutentions quotidiennes, souvent dans l'urgence et sans assistance. Cette réalité m'a convaincu de l'importance cruciale de former correctement les soignants aux techniques sécuritaires de manipulation des patients.

La formation PRAP est essentielle pour limiter les risques liés à la manutention.



Les principaux risques liés à la manutention des patients


Le secteur de l'aide et du soin représente un environnement particulièrement accidentogène où les professionnels font face à de multiples facteurs de risque. Ces dangers se répartissent en trois grandes catégories qui interagissent et se renforcent mutuellement.


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Les facteurs biomécaniques constituent la première source de risque. Le port de charges lourdes représente une contrainte majeure, avec 79% des aides-soignantes qui manipulent entre 1 et 10 patients de plus de 100kg quotidiennement. Les postures contraignantes, notamment les torsions en charge et les flexions du tronc, sollicitent excessivement la colonne vertébrale. L'accumulation de gestes répétitifs, comme les rehaussements de patients dans le lit ou le fauteuil, augmente considérablement le risque de blessures.


Les facteurs psychosociaux amplifient ces contraintes physiques. Le stress chronique, la charge émotionnelle élevée liée à l'accompagnement de personnes souffrantes, ainsi que le manque de latitude décisionnelle et le faible soutien social créent un terrain propice aux accidents. J'ai observé que les équipes bénéficiant d'un climat de confiance et d'entraide réduisaient significativement leurs incidents de manutention.


Les contraintes organisationnelles complètent ce tableau préoccupant. Le travail sous pression temporelle pousse souvent les soignants à privilégier la rapidité plutôt que la sécurité. Les horaires décalés, le travail de nuit et les fréquentes interruptions de tâches diminuent la vigilance et augmentent le risque d'accident. Une infirmière de nuit m'expliquait récemment devoir réaliser seule des transferts qu'elle effectuerait systématiquement à deux en journée.



Ces facteurs engendrent des conséquences graves sur la santé des soignants. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) affectent l'ensemble du corps, avec une prédominance de lombalgies chez les jeunes professionnels (20-30 ans) et de douleurs aux membres supérieurs chez les plus expérimentés (50-60 ans). Plus d'un soignant sur quatre présente des symptômes de lombalgie durant plus d'un mois consécutif, sans compter les sciatalgies et hernies discales qui peuvent entraîner des invalidités permanentes.


Matériels d'aide et obstacles à leur utilisation


Pour prévenir les risques liés à la manutention, différents dispositifs d'assistance ont été développés. Leur efficacité varie selon les contextes d'utilisation et le degré de dépendance des patients.


L'alèse de glissement représente l'aide technique la plus couramment utilisée pour les transferts lit-fauteuil et les réajustements d'assise. Son principal avantage réside dans sa rapidité d'utilisation (moins d'une minute), ce qui explique sa popularité en contexte de charge de travail élevée. En revanche, elle n'élimine pas complètement les contraintes posturales, obligeant souvent le soignant à fléchir le tronc entre 20° et 45°, ce qui génère une pression importante sur les disques lombaires.


Le lève-patient mobile au sol (LPMS) offre une solution plus sécuritaire pour la manipulation de patients lourds ou totalement dépendants. Malgré son efficacité pour réduire les contraintes lombaires, son utilisation reste limitée par plusieurs facteurs : temps d'installation plus long (environ 3,5 minutes), risques d'erreur dans le positionnement des sangles, et difficultés de manœuvre dans des espaces restreints.


Le lève-patient sur rail au plafond (LPRP) constitue une alternative intéressante qui réduit considérablement les efforts de soulèvement. Par contre, j'ai constaté lors de formations que ce dispositif déplace parfois le risque vers les épaules plutôt que de l'éliminer complètement. Son temps d'utilisation moyen de 2,5 minutes reste un frein dans les services à forte pression temporelle.


Malgré leur efficacité prouvée, ces dispositifs se heurtent à de nombreux obstacles organisationnels et humains. Les contraintes spatiales des établissements de santé (chambres exiguës, salles de bain inadaptées) limitent fréquemment leur utilisation. La maintenance insuffisante des équipements et leur indisponibilité au moment opportun découragent également les soignants.


La dimension relationnelle du soin constitue paradoxalement un frein majeur à l'utilisation de ces aides techniques. L'introduction d'un dispositif mécanique crée une distance physique entre soignant et patient, modifiant l'identité professionnelle fondée sur la proximité et le contact humain. Ce phénomène explique pourquoi certains soignants, malgré leur connaissance des risques, privilégient les méthodes manuelles traditionnelles.


Formation et démarche de prévention globale


Une approche efficace de prévention des risques liés à la manutention des patients repose sur une combinaison stratégique de formations adaptées et d'actions organisationnelles coordonnées.


La formation aux techniques de manutention sécuritaire constitue le socle fondamental de toute démarche préventive. Elle doit intégrer des notions d'anatomie et de physiologie permettant aux soignants d'identifier les gestes à risque. La compréhension des mécanismes de détérioration de la colonne vertébrale et des facteurs aggravants (scoliose, lordose, cyphose) renforce l'adhésion aux principes de sécurité.


L'apprentissage des principes de sécurité physique et d'économie d'effort représente le cœur de ces formations. Les techniques de retournement, rehaussement au lit, transfert lit-fauteuil et aide à la marche doivent être systématiquement pratiquées en alternant phases théoriques et mises en situation concrètes. J'ai remarqué que les formations intégrant des séquences vidéo permettant l'auto-analyse des gestes professionnels généraient des progrès particulièrement durables.


L'approche nord-américaine "zéro lift" (réduction maximale du soulèvement) a démontré son efficacité en privilégiant les principes de glissement, roulement et pivotement plutôt que le soulèvement. Le programme PDSB (Principes pour le Déplacement Sécuritaire des Bénéficiaires) a notamment permis une réduction des lésions de 58% après un an d'implantation dans plusieurs établissements.


Au-delà des techniques individuelles, l'amélioration de l'organisation collective du travail s'avère déterminante. La constitution systématique de binômes pour les manutentions difficiles, la coordination entre professionnels et une meilleure planification du travail permettent de répartir équitablement les contraintes. L'implantation d'aides techniques, combinée à cette réorganisation collective, a conduit à une diminution de l'absentéisme pour lombalgie de 10% dans plusieurs établissements étudiés.


Cette démarche globale de prévention engendre des bénéfices qui dépassent largement la réduction des accidents. Elle favorise l'amélioration des relations de confiance au sein des équipes, réduit le turn-over du personnel et contribue à une meilleure qualité des soins. La prévention des risques liés à la manutention des patients représente ainsi un investissement rentable tant pour les établissements que pour les professionnels eux-mêmes.

Ces gestes peuvent provoquer des TMS s’ils ne sont pas réalisés correctement.



 
 
 

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