Prévention des addictions en entreprise
- Maxime Dhinaut
- 25 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 juil.

Comprendre et adresser les phénomènes d'addiction en entreprise représente aujourd'hui un défi majeur pour toute organisation soucieuse du bien-être de ses collaborateurs. Lors d'une récente intervention dans une entreprise du secteur du BTP, j'ai été frappé par la réaction d'un chef d'équipe qui m'a confié : "Avant votre formation, je pensais que l'addiction concernait uniquement l'alcool et les drogues dures. Je n'avais jamais fait le lien avec notre culture des pots d'équipe hebdomadaires ou l'hyperconnexion de mes équipes." Cette prise de conscience illustre parfaitement l'importance d'une approche globale et informée de la prévention des conduites addictives en milieu professionnel.
Chiffres clés et réalités des addictions au travail
Les conduites addictives touchent profondément le monde professionnel avec des statistiques révélatrices : 27% des hommes actifs et 23% des femmes actives sont fumeurs, tandis que près de 20% des hommes et 8% des femmes présentent un usage dangereux de l'alcool. Plus surprenant encore, 11% des femmes cadres ont une consommation à risque d'alcool, battant en brèche l'idée que les addictions concerneraient principalement les postes d'exécution.
Le cannabis fait également partie du paysage professionnel avec 8% des hommes et 4% des femmes actifs qui en consomment au moins une fois par mois. Par ailleurs, l'addiction au numérique gagne du terrain puisque 37% des actifs utilisent leurs outils professionnels hors temps de travail. Après quinze années passées à former des équipes sur ces sujets, j'observe que cette dernière forme d'addiction reste souvent sous-estimée, voire valorisée comme signe d'engagement.
Ces comportements ne sont pas sans conséquences. Le risque d'accidents du travail graves est multiplié par 2 chez les personnes consommant régulièrement de l'alcool. Pour les conducteurs, la combinaison alcool et cannabis multiplie par 29 le risque d'être responsable d'un accident mortel. Ces statistiques prennent vie lorsqu'on accompagne des entreprises après un accident grave, où l'analyse révèle souvent la présence d'une substance psychoactive comme facteur aggravant.
Au-delà de la sécurité immédiate, les impacts sur l'emploi sont significatifs. La consommation régulière de cannabis augmente de 60% le risque d'arrêts courts et de 30% celui d'arrêts moyens. L'usage de substances psychoactives accroît également le risque de perte d'emploi et complique l'insertion professionnelle des jeunes consommateurs.

Addiction et travail, des interactions aux implications multiples
Si le milieu professionnel peut constituer un facteur d'intégration et de protection, certaines conditions de travail favorisent ou aggravent les comportements addictifs. Les risques psychosociaux, le stress chronique, les horaires atypiques et les contraintes physiques créent un terrain propice aux conduites addictives. À travers mes interventions en entreprise, j'ai souvent observé comment les rythmes décalés des équipes de nuit conduisent progressivement à des consommations "fonctionnelles" pour tenir ou s'endormir.
La surcharge de travail, particulièrement au-delà de 48 heures hebdomadaires, le contact permanent avec le public et la gestion des conflits constituent également des facteurs de risque significatifs. L'une des anecdotes que je partage régulièrement lors de mes formations concerne un cadre commercial qui avait développé une consommation problématique d'alcool, initialement pour "décompresser" après des journées intenses de négociation.
Certains secteurs apparaissent particulièrement exposés : les arts et spectacles, l'agriculture, l'hôtellerie-restauration, le transport et la construction. Dans ces métiers, une culture organisationnelle valorisant parfois la consommation (pots, afterworks) et l'accessibilité des substances sur le lieu de travail amplifient les risques. Les outils numériques, en brouillant les frontières entre vie privée et professionnelle, contribuent également à l'émergence de nouvelles formes d'addiction.
La dimension culturelle ne doit pas être sous-estimée. Certaines professions ont historiquement intégré la consommation d'alcool comme élément de socialisation ou de reconnaissance, créant des normes implicites difficiles à déconstruire. Cette réalité nécessite une approche préventive qui tienne compte des spécificités de chaque environnement professionnel.
Élaborer une démarche préventive efficace en entreprise
La prévention des addictions en milieu professionnel relève de la responsabilité légale des employeurs, tenus d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de leurs collaborateurs. Une démarche préventive réussie commence par une concertation impliquant tous les acteurs : direction, encadrement, représentants du personnel, salariés et service de santé au travail.
L'évaluation du risque constitue une étape fondamentale, avec l'inscription des pratiques addictives dans le document unique. Mes années de pratique m'ont appris qu'un diagnostic précis et partagé permet d'éviter l'écueil d'une approche uniquement répressive, souvent contre-productive. Les actions de prévention doivent cibler en priorité les facteurs professionnels favorisant les consommations.
L'encadrement de la consommation d'alcool lors d'événements d'entreprise représente un levier simple mais efficace : limiter les quantités, proposer systématiquement des alternatives non alcoolisées, prévoir des collations et respecter un délai avant la reprise d'activités à risque. J'ai pu constater l'efficacité de ces mesures lors d'événements d'entreprise où la qualité des échanges n'était pas diminuée par une consommation modérée.
Une procédure claire pour gérer les troubles du comportement constitue également un élément crucial : alerte de l'employeur et des secours, arrêt immédiat de toute activité dangereuse et accompagnement du retour du salarié dans l'entreprise. Des règles précises dans le règlement intérieur ou une note de service clarifient le cadre pour tous.
Les approches pédagogiques innovantes comme les journées thématiques, les ateliers ludiques (Escape Game, quiz) ou les jeux de rôle permettent une sensibilisation engageante et mémorable. Les parcours avec simulation d'état modifié, que j'utilise régulièrement dans mes formations, créent des prises de conscience bien plus impactantes que de simples présentations théoriques.
Diverses ressources peuvent soutenir ces démarches, notamment le dispositif ESPER (Entreprises et Services Publics Engagés Résolument), le portail Addict'AIDE Pro, les CSAPA (Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie) et les formations spécialisées. Ces outils permettent de construire une approche préventive adaptée aux spécificités de chaque organisation.

تعليقات