Reconnaissance des maladies professionnelles : démarches et procédures pour votre prise en charge
- Mathias Lvr
- 8 sept.
- 4 min de lecture

Quand un stagiaire me demande ce qu'est une maladie professionnelle, je lui explique toujours qu'il s'agit d'un enjeu crucial de santé au travail souvent méconnu. La reconnaissance d'une maladie professionnelle peut transformer la vie d'un travailleur affecté, comme ce fut le cas pour un ancien collègue atteint d'une pathologie respiratoire après 25 ans dans l'industrie chimique. Son parcours de reconnaissance, bien que complexe, lui a finalement permis d'obtenir une prise en charge complète et une indemnisation adaptée à son préjudice.
Qu'est-ce qu'une maladie professionnelle et comment fonctionne sa reconnaissance
Une maladie professionnelle se définit comme une affection contractée suite à l'exposition d'un travailleur à un risque physique, chimique ou biologique dans le cadre de son activité professionnelle. Contrairement à l'accident du travail qui survient de façon soudaine, elle se développe progressivement, ce qui complique parfois l'établissement du lien causal.
En France, deux systèmes complémentaires permettent la reconnaissance de ces pathologies. Le système des tableaux constitue la voie principale et offre une reconnaissance automatique lorsque trois conditions cumulatives sont remplies : la maladie figure dans un tableau, le délai de prise en charge est respecté, et le travailleur a effectué des activités listées dans ce même tableau. Durant mes formations, j'utilise souvent l'image d'un trépied pour illustrer ce principe - si l'un des pieds manque, la reconnaissance automatique n'est plus possible.
Parallèlement, le système complémentaire intervient dans deux cas précis. D'abord, pour les maladies inscrites aux tableaux mais ne remplissant pas toutes les conditions requises. Dans ce cas, la victime doit confirmer le lien direct entre sa pathologie et son travail habituel. Ensuite, pour les affections absentes des tableaux, où la preuve d'un lien "essentiel et direct" avec l'activité professionnelle devient nécessaire, avec une exigence supplémentaire : l'incapacité permanente doit atteindre au moins 25% ou avoir causé le décès.
J'ai pu constater lors de mes interventions en entreprise que cette dualité de systèmes reste méconnue. Beaucoup de travailleurs ignorent leurs droits, particulièrement ceux relevant du système complémentaire. Cette méconnaissance contribue au phénomène massif de sous-reconnaissance des maladies professionnelles, problématique persistante depuis plus d'un siècle en France comme dans d'autres pays industrialisés.
Dans certains cas, la reconnaissance d’une maladie professionnelle peut relever de la faute inexcusable.
Les étapes clés de la procédure de reconnaissance
La première démarche consiste à effectuer une déclaration formelle de maladie professionnelle. Un jour, en accompagnant un patient souffrant de troubles musculosquelettiques, j'ai constaté combien cette étape initiale pouvait sembler intimidante. Il faut d'abord consulter un médecin qui établira un certificat médical initial décrivant précisément la pathologie. Ce document est indispensable pour la suite du processus.
Dans les 15 jours suivant l'arrêt de travail, la victime doit remplir un formulaire spécifique de déclaration de maladie professionnelle. Cette déclaration, accompagnée du certificat médical et de l'attestation de salaire, est à adresser à la CPAM pour le régime général ou à la MSA pour le régime agricole. Un point crucial à retenir : cette démarche peut être effectuée dans un délai de 2 ans suivant l'arrêt de travail lié à la maladie, la date d'information par certificat médical du lien possible avec l'activité professionnelle, la cessation du paiement des indemnités journalières, ou l'inscription de la maladie aux tableaux.
L'organisme de sécurité sociale accuse réception de la déclaration et informe l'employeur, marquant ainsi le début de l'instruction du dossier. Cette phase dure normalement 120 jours, délai durant lequel l'organisme peut diligenter une enquête complémentaire, notamment en cas de réserves motivées de l'employeur. Un examen par un médecin-conseil peut également être sollicité pour évaluer précisément l'état de santé du demandeur.
Dans les situations relevant du système complémentaire, le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) est saisi. Composé de trois médecins experts, ce comité dispose de 4 mois (plus 2 mois supplémentaires en cas d'enquête) pour rendre un avis motivé qui s'imposera à l'organisme de sécurité sociale. L'expérience m'a montré que cette étape constitue souvent un véritable défi pour les travailleurs atteints de pathologies multifactorielles comme les troubles psychosociaux.

Les bénéfices de la reconnaissance et les défis persistants
Une fois la maladie professionnelle reconnue, le travailleur bénéficie d'une prise en charge avantageuse. Les soins liés à la pathologie deviennent entièrement gratuits grâce à la remise d'une feuille spécifique de maladie professionnelle. Les indemnités journalières versées sont plus favorables qu'en cas de maladie ordinaire, et une indemnisation spécifique intervient en cas d'incapacité permanente. Dans certains cas, une indemnisation complémentaire peut être obtenue si une faute inexcusable de l'employeur est établie.
Malgré ces avantages significatifs, la sous-reconnaissance demeure un problème majeur. L'obsolescence de certains tableaux face à l'évolution des connaissances scientifiques, les délais de prise en charge parfois trop courts, les listes limitatives de travaux qui ne couvrent pas toutes les activités à risque constituent autant d'obstacles.
Les difficultés à établir le lien de causalité pour les maladies multifactorielles, le manque de prise en compte des poly-expositions professionnelles et l'absence de tableaux pour de nombreuses pathologies pourtant liées au travail aggravent cette situation.
Pour améliorer ce système, l'ANSES a formulé plusieurs recommandations pertinentes : mettre à jour les tableaux existants, harmoniser les délais de prise en charge, rendre indicatives les listes de travaux, examiner les enjeux de poly-exposition et créer de nouveaux tableaux pour les maladies identifiées ayant un lien avéré avec une exposition professionnelle. Un guide d'aide à la décision à l'usage des médecins siégeant dans les CRRMP, régulièrement mis à jour, vise également à harmoniser les pratiques et réduire l'hétérogénéité des décisions sur le territoire.

Les TMS sont parmi les maladies professionnelles les plus courantes et reconnues.



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