La culpabilité du manager : comment surmonter ce sentiment au travail
- Maxime Dhinaut
- 16 avr.
- 3 min de lecture

La culpabilité est devenue le compagnon fidèle de nombreux managers modernes. Ce sentiment, souvent sous-estimé, s'immisce dans le quotidien professionnel et peut saper la confiance en soi. J'ai accompagné des centaines de responsables d'équipe en proie à cette émotion paralysante. Un directeur commercial me confiait récemment qu'il se sentait "incompétent" chaque fois qu'il devait refuser une demande de congés. Sa culpabilité était telle qu'il finissait par accepter des plannings impossibles à tenir.
L'évolution du rôle managérial et ses impacts émotionnels
Notre société a connu une transformation profonde dans la conception du leadership. Nous sommes passés d'un modèle d'autorité paternaliste et directive à une idéologie centrée sur la bienveillance. Cette transition, bien que positive sur certains aspects, a généré une pression considérable sur les managers.
Aujourd'hui, les figures d'autorité doivent exercer leur fonction sans aspérité, sans conflit apparent. L'injonction à la positivité permanente est devenue une norme implicite mais puissante. Ce changement sociétal a créé un paradoxe intéressant : tandis que les collaborateurs peuvent exprimer frustrations ou colères, les managers doivent maintenir une façade sereine et compréhensive en toutes circonstances.
Dans les formations que j'anime sur la prévention des risques psychosociaux, je constate régulièrement cette asymétrie émotionnelle. Les managers se trouvent coincés entre les attentes organisationnelles et humaines, souvent contradictoires. Ils doivent motiver leurs équipes à atteindre des objectifs parfois irréalistes tout en préservant leur bien-être.
Cette dichotomie crée un terreau fertile pour la culpabilité. Le manager moderne se retrouve dans une posture impossible : réussir tout en sachant que l'échec est probable, être bienveillant tout en imposant des contraintes, être présent sans être envahissant. L'approche ostéopathique m'a enseigné que tout déséquilibre persistant génère des tensions. C'est exactement ce qui se produit dans le corps managérial de nos organisations.

Pourquoi culpabiliser peut devenir toxique quand on est manager
La culpabilité chronique chez le manager n'est pas seulement désagréable, elle devient véritablement délétère pour sa performance et sa santé. Lorsqu'un responsable d'équipe se juge systématiquement "inapte" ou "lâche" face aux défis quotidiens, sa capacité décisionnelle s'érode progressivement. Cette auto-évaluation négative constante peut conduire au syndrome de l'imposteur.
J'observe fréquemment des managers qui culpabilisent de prendre des vacances ou de ne pas répondre immédiatement aux sollicitations pendant leur temps personnel. Cette hyperconnexion compulsive traduit un sentiment de responsabilité excessive. Un cadre dirigeant me racontait qu'il consultait ses emails professionnels à 3h du matin pendant ses congés familiaux, rongé par le sentiment d'abandonner son équipe.
La culpabilité managériale engendre des mécanismes de défense contre-productifs. Certains affichent une indifférence de façade ("je m'en fous") pour masquer leur impuissance. D'autres évitent simplement les situations complexes ou les collaborateurs difficiles, reportant des problèmes qui ne feront que s'amplifier. Les plus vulnérables intériorisent la violence, se blâmant pour des circonstances souvent indépendantes de leur volonté.
Dans mon expérience d'accompagnement des entreprises, j'ai identifié un pattern récurrent : les managers culpabilisants deviennent souvent des managers culpabilisateurs. Comme par effet miroir, ils répercutent leur mal-être sur leurs équipes. Naît alors un environnement toxique où la peur, le stress et parfois l'humiliation deviennent des outils managériaux par défaut. Les objectifs inatteignables se multiplient, plaçant les collaborateurs en situation d'échec programmé.
Cinq stratégies pour surmonter la culpabilité managériale
Reconnaître et accepter le sentiment de culpabilité constitue la première étape essentielle. Lors des séances de prévention des risques, j'invite les managers à nommer leurs émotions sans jugement. Cette simple pratique réduit considérablement la charge émotionnelle négative. La culpabilité perd de sa puissance lorsqu'elle est observée plutôt que refoulée.
S'affranchir du fantasme de perfection représente une libération majeure pour tout manager. L'idéal du leader parfaitement bienveillant et toujours performant relève du mythe. Accepter d'être imparfait, de faire des erreurs et surtout d'en tirer des enseignements transforme la culpabilité en opportunité d'évolution. Comme je le répète souvent dans mes formations : "Le manager parfait n'existe pas, mais le manager apprenant est invincible".
Développer sa gestion émotionnelle devient une compétence professionnelle indispensable. Les techniques de pleine conscience, la pratique régulière d'activités physiques ou le recours au coaching sont autant d'outils efficaces. L'équilibre émotionnel du manager rayonne sur son équipe, créant un cercle vertueux de bien-être collectif.
Instaurer des espaces de dialogue authentiques s'avère crucial. Les entretiens individuels réguliers avec chaque collaborateur permettent d'aborder les difficultés avant qu'elles ne dégénèrent. Dans ces moments privilégiés, le manager peut clarifier ses attentes, comprendre les besoins de l'autre et co-construire des solutions adaptées.
Le conflit, loin d'être évité, devient une dimension constructive des relations de travail.
Briser l'isolement reste probablement le levier le plus puissant contre la culpabilité managériale. Les groupes de pairs, les supervisions professionnelles ou simplement les échanges informels entre managers permettent de relativiser les difficultés. Savoir que d'autres vivent des situations similaires normalise l'expérience et ouvre la voie au partage de bonnes pratiques. L'humour, quand il est bien dosé, constitue également un formidable exutoire face aux pressions quotidiennes.

Comments