Guide complet de prévention des risques professionnels en EHPAD
- Mathias Lvr
- il y a 12 minutes
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Lors d'une récente session de formation sur la prévention des risques en EHPAD, j'ai été frappé par la réaction d'une directrice d'établissement. "Nous n'avions jamais relié notre taux d'absentéisme alarmant à nos pratiques de manutention obsolètes", m'avait-elle confié. Cette prise de conscience illustre parfaitement l'enjeu crucial que représente la prévention des risques professionnels dans ces structures. Avec près de 7 500 EHPAD en France employant plus de 350 000 professionnels, la sécurité au travail devient une priorité absolue face à une sinistralité préoccupante.
Panorama des risques professionnels en EHPAD
Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes constituent un environnement professionnel particulièrement exposé aux risques. Le personnel, composé d'aides-soignants, infirmiers, agents hôteliers et de nombreux autres métiers, fait face quotidiennement à des situations potentiellement dangereuses. Les résidents, dont plus de 90% souffrent d'affections neuropsychiatriques et 70% nécessitent une assistance pour s'alimenter, requièrent une attention constante.
Les troubles musculosquelettiques (TMS) représentent la problématique majeure dans ces structures. Les manutentions manuelles sont responsables de près des deux tiers des accidents du travail, avec une proportion importante touchant le dos et les membres supérieurs. Je me souviens avoir accompagné une équipe où quatre soignants étaient simultanément en arrêt pour lombalgie, paralysant littéralement le fonctionnement du service.
Les chutes de plain-pied et de hauteur constituent le deuxième risque principal. Les déplacements nombreux, souvent effectués dans la précipitation et dans des espaces exigus, multiplient les occasions de chuter. Ce phénomène s'accentue lorsque les personnels doivent parcourir de longues distances entre différents étages.
La charge émotionnelle et les risques psychosociaux ne doivent pas être négligés. L'accompagnement en fin de vie, la gestion des troubles cognitifs générant parfois agressivité et violence, ainsi que la frustration liée à l'augmentation des tâches administratives au détriment du relationnel, exposent particulièrement au risque d'épuisement professionnel.
D'autres dangers comme les risques infectieux et chimiques complètent ce tableau déjà préoccupant. L'utilisation fréquente de détergents et désinfectants nécessite des précautions spécifiques souvent sous-estimées.
Les risques infectieux sont aussi présents dans les soins à domicile. Voici comment les gérer.
Prendre soin des résidents : la relation au cœur de la prévention
La prévention des risques en EHPAD doit intégrer une dimension fondamentale : la qualité de la relation avec les résidents. L'état de santé des personnes âgées accueillies nécessite des soins de plus en plus techniques, avec une prise en charge adaptée à des troubles cognitifs majeurs. Ces facteurs impactent directement la qualité relationnelle et exposent les professionnels à une double charge, physique et psychologique.
Une approche préventive efficace doit concilier sécurité du personnel et bien-être des résidents. La démarche ALM (Accompagner La Mobilité) illustre parfaitement cette philosophie en reposant sur la connaissance des déplacements spontanés et l'analyse des capacités du patient. Elle propose différents types d'assistance : verbale par l'explication et le guidage, physique avec une aide limitée, et matérielle via l'utilisation d'aides techniques.
L'intégration de la dimension relationnelle dans l'organisation des soins permet de prévenir efficacement les risques psychosociaux. Former les soignants à la prise en charge des résidents atteints de troubles cognitifs et prévoir du soutien psychologique régulier contribue à diminuer la charge émotionnelle. J'ai pu constater dans plusieurs établissements que les réunions de concertation régulières amélioraient significativement le climat de travail.
Favoriser l'utilisation des aides techniques adaptées permet aux soignants de se concentrer davantage sur l'aspect relationnel de leur métier. L'équipement des chambres avec des dispositifs de levage comme les rails plafonniers en H réduit considérablement la pénibilité physique tout en préservant la dignité des résidents lors des transferts.
Mettre en œuvre une démarche structurée de prévention
Face à la sinistralité alarmante du secteur (indice de fréquence de 100 accidents avec arrêt pour 1000 salariés, soit deux fois supérieur à celui du BTP), une démarche structurée s'impose. L'équivalent de 180 EHPAD fermés pour arrêt de travail à l'échelle nationale illustre l'ampleur du problème.
La démarche préventive s'articule autour de quatre étapes essentielles. En premier lieu, l'évaluation des risques professionnels, avec la rédaction obligatoire du Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). Deuxièmement, la définition des objectifs et priorités en identifiant les postes et situations à risque. Troisièmement, la mise en place d'un plan d'action incluant un diagnostic approfondi des situations critiques. Enfin, l'évaluation régulière des progrès réalisés.
L'implication de tous les acteurs constitue un facteur clé de réussite. Direction, encadrement, soignants et personnel technique doivent participer activement à cette démarche collective. La structuration de la prévention passe par une définition claire des responsabilités, avec un temps spécifiquement alloué à ces missions.
La formation continue représente un levier majeur d'amélioration. Les formations sectorielles développées par l'INRS et le SINERPA, l'analyse des accidents du travail pour éviter leur renouvellement, et la mise en place d'un tutorat pour les nouveaux entrants contribuent à ancrer durablement les bonnes pratiques. J'ai toujours constaté que les établissements investissant régulièrement dans la formation de leurs équipes affichaient des indicateurs de sinistralité nettement inférieurs à la moyenne.
La prévention des risques en EHPAD ne doit plus être perçue comme une contrainte réglementaire mais comme un investissement profitable à tous : résidents, professionnels et établissements. Cette approche globale permet d'améliorer simultanément la qualité de vie au travail et la qualité des soins prodigués.

La prévention en EHPAD doit s’inscrire dans une stratégie globale de sécurité.
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