Comment faire reconnaître une maladie professionnelle liée à l'amiante
- Mathias Lvr
- il y a 17 minutes
- 3 min de lecture

Face aux ravages causés par l'amiante, j'ai accompagné de nombreux travailleurs dans leurs démarches de reconnaissance. En tant que professionnel de la prévention des risques, je constate quotidiennement que la méconnaissance des procédures constitue un obstacle majeur pour les victimes. Voici un guide complet pour faire reconnaître une maladie professionnelle liée à ce matériau toxique.
Les pathologies reconnues liées à l'exposition à l'amiante
L'amiante provoque plusieurs affections graves dont les symptômes apparaissent souvent des décennies après l'exposition initiale. Lors de mes formations en entreprise, j'insiste particulièrement sur ce temps de latence très long, qui peut atteindre 30 à 40 ans pour certaines pathologies.
L'asbestose, fibrose pulmonaire caractérisée par des signes radiologiques spécifiques, se manifeste généralement après 10 à 20 ans d'exposition. Son évolution lente conduit progressivement à une insuffisance respiratoire. Je me souviens d'un ancien ouvrier du bâtiment qui avait développé cette maladie après avoir manipulé des matériaux amiantés sans protection pendant des années.
Les lésions pleurales bénignes constituent une autre catégorie d'affections. Elles comprennent les plaques pleurales (calcifiées ou non), les épaississements pleuraux et les pleurésies exsudatives. Les plaques pleurales, manifestation la plus courante, sont généralement considérées comme un marqueur d'exposition sans conséquence fonctionnelle importante.
Les cancers représentent les pathologies les plus graves. Le mésothéliome malin primitif, cancer spécifique à l'amiante touchant la plèvre, le péritoine ou le péricarde, survient généralement 30 à 40 ans après l'exposition. Le cancer broncho-pulmonaire primitif présente un temps de latence similaire. Plus récemment, les cancers du larynx et de l'ovaire ont également été reconnus comme pouvant être liés à l'amiante.
Ces affections sont répertoriées dans des tableaux spécifiques : les tableaux n°30, 30 bis et 30 ter pour le régime général, et les tableaux n°47, 47 bis et 47 ter pour le régime agricole. Chaque tableau définit précisément les conditions de prise en charge.
Procédure de déclaration et reconnaissance en maladie professionnelle
La démarche débute par l'établissement d'un certificat médical initial détaillé. Comme formateur accompagnant régulièrement des professionnels dans ces procédures, je recommande toujours de veiller à ce que ce document mentionne précisément la pathologie selon la terminologie du tableau correspondant, la date de première constatation, l'exposition professionnelle suspectée et le numéro du tableau concerné.
Le patient doit ensuite adresser sa déclaration à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) en joignant ce certificat médical, une attestation de salaire fournie par l'employeur et les copies des examens complémentaires pertinents. La CPAM dispose alors d'un délai d'instruction de trois mois, éventuellement prolongeable de trois mois supplémentaires.
Deux voies de reconnaissance existent : la présomption d'origine via le système des tableaux (lorsque toutes les conditions sont remplies) ou le système complémentaire via le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) si la maladie ne figure pas dans un tableau ou ne remplit pas toutes les conditions requises.
J'ai récemment guidé un technicien de maintenance qui avait travaillé pendant des années sur des équipements calorifugés à l'amiante. Malgré un délai dépassé par rapport au tableau, nous avons pu obtenir une reconnaissance via le CRRMP en démontrant le lien direct entre son exposition professionnelle et sa pathologie.

Indemnisation des victimes et dispositifs spécifiques
L'indemnisation des maladies professionnelles liées à l'amiante s'effectue par deux canaux principaux : la CPAM et le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA). Ces deux systèmes sont complémentaires et peuvent être mobilisés simultanément.
La CPAM prend en charge à 100% les soins médicaux, sans limitation dans le temps. Elle verse également des indemnités journalières (60% du salaire les 28 premiers jours, puis 80%) sans délai de carence, ainsi qu'une indemnisation de l'incapacité permanente partielle (IPP) éventuellement reconnue.
Le FIVA, créé spécifiquement pour les victimes de l'amiante, offre une indemnisation intégrale des préjudices pour trois catégories de personnes : celles exposées professionnellement avec une maladie reconnue ou non, celles exposées hors milieu professionnel avec une maladie liée, et les ayants droit d'une personne décédée suite à une maladie causée par l'amiante.
La demande d'indemnisation auprès du FIVA doit être effectuée dans les 10 ans suivant le premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition. Les préjudices indemnisés couvrent tant les aspects économiques (perte de gains, frais médicaux) que personnels (préjudice physique, esthétique, moral, d'agrément, incapacité fonctionnelle).
Des dispositifs spécifiques ont également été mis en place, comme l'allocation de cessation anticipée d'activité pour les salariés atteints d'une maladie professionnelle liée à l'amiante et âgés d'au moins 50 ans. Un suivi post-professionnel est également prévu pour les personnes ayant été exposées, ainsi que des protections spécifiques en matière d'emploi.
La réglementation concernant l'amiante a considérablement évolué, avec une interdiction totale en France depuis 1997 et un abaissement progressif des valeurs limites d'exposition professionnelle, passant de 15 fibres/ml en 1977 à seulement 0,01 fibres/ml aujourd'hui.
Comments